Le 2 août 2009, l'association Castellum a organisé une fête autour du thème de l'eau, profitant de deux événements importants la même année dans la vie du village : les restaurations par la municipalité de la fontaine-lavoir du quartier des Bernards et de la fontaine « de l'école » devant la mairie, et la publication (par cette même association) du livre d'André Laurent Fontaines et Lavoirs en Val de Rancure. C'était même la présentation officielle – avec journée de dédicace par l'auteur – de cet ouvrage sorti trois jours plus tôt des presses de l'imprimerie. Le thème étant trouvé, restait à organiser la fête autour de cette idée.
Le groupe de maintenance des traditions Osco de Manosque est venu investir la place du Pountis pour présenter, au lavoir fraîchement remis en état, ce qu'était la corvée de la lessive au temps justement où les lavoirs étaient des édifices d'usage et non pas de souvenir. La bugado, comme on l'appelle en Provence, a donc réuni toute la journée dans cet espace d'ombre et de fraîcheur une foule animée, intéressée, curieuse ou désireuse de s'initier aux gestes d'antan.
Les bugadiero s'évertuent à savonner, battre, brosser et rincer les pièces du trousseau dans une ambiance convivale de rires et d'histoires de bonnes femmes devant des anciens qui ont connu et pratiqué avant l'arrivée de la machine à laver ou devant des jeunes ébahis.
Les femmes du groupe ont aussi montré comment on égouttait le linge (l'essorage à 800 tours n'existait pas encore) avant l'aller l'étendre sur des cordes tendues. Dans le temps on mettait aussi les draps à sécher directement sur l'herbe des prés, l'oxygène émis les plantes servant à donner aux tissus « un joli blanc ».
Et comme en Provence tout se termine dans la joie, une farandole endiablée incorporait au fur et à mesure les spectateurs conquis.
D'ailleurs après la leçon, Osco a fait participer les spectateurs aux travaux pratiques. De vieux gestes bien rangés au fond de la mémoire – mais faciles à retrouver – pour certains, mais une découverte pour beaucoup.
Très longtemps la saponaire, cette herbe à jolies fleurs blanches, fut utilisée pour améliorer le pouvoir mouillant de l'eau et permettre des lessives efficaces. Savon des pauvres, elle fut toutefois rapidement supplantée par le savon de Marseille autrement plus pratique d'emploi.
Conférence sur le savon
Le savon de Marseille, justement ! Un petit cube qui tient dans la main, qui a fait la fortune des industriels marseillais au XIXe siècle et que le monde a copié… Par chance nous avons encore, tout près de chez nous, un artisan qui a rigoureusement conservé tous les procédés de sa fabrication traditionnelle. Michel Henry, responsable du moulin à huile d’Oraison et, depuis 1985, de la savonnerie de Peyruis, est venu raconter l’histoire du savon qui remonte à la haute Antiquité. Les Arabes ajoutèrent au VIIIe siècle de la chaux aux cendres lessivées ce qui les rendit plus caustiques et détermina la fabrication du véritable savon. Il a ensuite expliqué l’ensemble des techniques de la méthode traditionnelle dite de Marseille employée pour fabriquer un vrai savon 100% végétal digne de ce nom.
Michel Henry a fait une conférence très appréciée, avec nombre d'explications techniques et des spécimens à la clé.
Conférence sur les Travaux et les Jours
Les vieux lavoirs et la bugado nous faisant remonter de quelques décennies dans le temps, Maurice Régnier, qui séjourne régulièrement au Castellet depuis bien longtemps, est allé encore plus loin dans le passé. Historien d’art, il a travaillé au CNRS et a effectué plusieurs missions à la bibliothèque de Francfort. Il a mis à profit sa connaissance du monde médiéval pour proposer une conférence sur Les travaux et les jours consacrée au calendrier, à la vie économique dans le monde rural et urbain, à la vie privée familiale et à la vie sociale intellectuelle et religieuse, à travers les enluminures et les miniatures du Moyen Âge.
Avec son pointeur laser, Maurice Régnier met en évidence les détails des peintures anciennes pour une bonne compréhension par…
… un auditoire attentif et passionné occupant tous les sièges de la salle polyvalente, les retardataires ayant dû rester debout sur les côtés.
Fontaines et Lavoirs en Val de Rancure
Le livre Fontaines et lavoirs en Val de Rancure était donc la pierre angulaire de cette journée. C'est un ouvrage qu'André Laurent avait commencé au début des années 2000, allant voir tous les propriétaires de maisons ou de fermes isolées des trois communes du Val de Rancure, d'Oraison et des Mées, pour récolter une maximum de photos et d'informations sur ces édifices parfois très modestes qui, amenant l'eau au plus près des habitations, ont permis à la VIE de s'installer dans nos campagnes. Architecte de formation, excellent dessinateur et aquarelliste, doté en outre d'un sens remarquable de l'organisation, André Laurent a fait tout à la fois un travail de journaliste, d'historien et d'illustrateur. Il a signé là un ouvrage majeur pour la divulgation d’un patrimoine intégré à la vie rurale, patrimoine qu’il convient de préserver pour les générations futures.
L'association Castellum, pour sa part, a assuré la partie technique de l'édition (typographie, maquette, PAO) avec l'appui et le soutien des trois villages du Val de Rancure, de la communauté des communes, de la ville d'Oraison et du Conseil général 04 qui doivent être remerciés ici, au même titre que les soucripteurs qui ont permis de lancer le projet.
Toute la journée André Laurent a été présent dans la bibliothèque communale pour dédicacer son ouvrage Fontaines et lavoirs en Val de Rancure…
… avant de terminer cette longue séance devant la salle polyvalente en fin de soirée…
… signant encore des dédicaces par ci…
… des dédicaces par là, devant la mairie, où…
…en fin de soirée, un hommage lui a été rendu par Castellum et par la municipalité pour sa persévérence et la qualité de son travail .
Après cet hommage, enfin, André Laurent allait pouvoir relâcher la pression et profiter pleinement du rituel apéritif qui clôt traditionnellement toutes les fêtes au Castellet…
… si toutefois il n'allait pas devoir, encore et toujours, sacrifier aux demandes très amicales d'autographes sur son ouvrage. La rançon d'un succès bien mérité.