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Quatre moulins ont été en activité par le passé sur le territoire de notre village, dont un pour faire de l'huile. Il en reste aujourd'hui trois qui ont été transformés. Le plus ancien, lui, a disparu au cours du XXe siècle, mais on en conserve des photographies. Les trois plus grands moulins étaient entraînés par la force de l'eau, ce qui prouve qu'il y en avait bien plus qu'aujourd'hui, même si les anciens textes évoquaient déjà le caractère capricieux du torrent de Rancure. Le moulin à huile était d'un autre type : à motricité animale. Les moulins à vent, eux, étaient assez rares en Haute-Provence et il n'y en eut jamais au Castellet. Mais on peut en voir deux, bien restaurés, dans les proches environs, l'un à Montfuron (on y va par la D907 qui relie Manosque à Reillanne), l'autre sur la D801 qui mène de Peyruis à Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Il a bien existé un dernier moulin mentionné dans les archives, mais il se trouvait environ «à une demi-heure» du village, certainement du côté de Taillas.

Le moulin du prieuré
Ce fut certainement le plus ancien des moulins, construit par les Bénédictins, légèrement en amont du prieuré dans le vallon du Rancure. Ici l'eau coulait, sinon en abondance, du moins régulièrement. Les moines avaient capté une partie de cette eau pour emplir, grâce à un canal, une retenue qui, elle-même, assurait le fonctionnement du moulin grâce à une roue à aubes.

Dans les années cinquante, au moment où sont apparus les premiers tracteurs, le moulin du prieuré existait encore, même s'il était alors en ruines. On le distingue nettement ici. Il a disparu quand la route d'Entrevennes a été refaite pour permettre de couper le virage qui le contournait.

Aujourd'hui démoli, ce moulin fonctionna à peu près jusqu'à la dernière guerre. Pendant plusieurs siècles il faisait de la farine puisqu'on sait par l'abbé Féraud (cf. chapitre sur le vin) qu'on cultivait du grain. Par la suite – et ce fut la dernière activité – le mécanisme servit à entraîner non plus une meule mais une scie à bois. On peut avancer ainsi que cette industrie aussi fut florissante au Castellet.

Le moulin de Bicaï

Aujourd'hui devenu résidence principale, le moulin de Bicaï, tout comme le foulon son tout proche voisin, fut propriété de la commune du Castellet jusqu'en 1640 où il fut cédé au marquis d'Oraison. Il poursuivit inlassablement son activité au cours des siècles jusqu'à sa fermeture définitive autour de 1950. Il était alors propriété de Jean Beaudun.

Dans les années cinquante, avec son écluse pleine d'eau, le moulin de Bicaï était encore en activité. Plus pour longtemps. Aujourd'hui il est devenu résidence et il a gardé tout son cachet. Mais l'écluse a été comblée.

C'était le moulin le plus en aval du village et c'était aussi le plus important. Il fonctionnait grâce à une écluse qui contenait environ 40m3 d'eau et qui avait donc suffisamment de débit pour mettre en mouvement une lourde meule. Bien sûr pendant longtemps il a été équipé d'une roue à aubes, mais depuis la fin du XIXe siècle il avait fait appel à un mécanisme plus performant à turbine en acier.

Le foulon à drap
Lui aussi fut «privatisé»en 1640 et vendu à un facturier à laine. Actionné par le même canal artificiel que le moulin de Bicaï (son propriétaire devait subvenir au tiers des dépenses de l'entretien de l'arrivée d'eau contre les deux tiers pour son voisin) il servait à battre les tissus fabriqués sur place (il existait au moins deux tisserands au Castellet selon les archives) pour les assouplir.

Devenu gîte rural, l'ancien foulon est situé sur le chemin communal qui descend vers les Itardes juste en face du moulin de Bicaï.

En 1837 le propriétaire de ce foulon changea d'activité et décida de moudre du grain. Mais faisant ainsi une concurrence jugée déloyale, il fut poursuivi en justice par son voisin Bicaï qui finit, au terme de la procédure, par gagner son procès. Aujourd'hui ce foulon a été transformé en gîte. Le canal qui entraînait ces deux moulins prenait son origine à la source de la Tompline à plus d'un kilomètre en amont.

Le moulin à huile
La majorité des moulins à huile de Haute-Provence étaient des "moulins à sang", c'est-à-dire mus par la force animale. Celui du Castellet était bien de ce type. Les anciens du village ne l'ont jamais vu travailler. Il s'est arrêté de fonctionner au début du siècle dernier, juste avant les années vingt.

C'était l'entrée du moulin à huile, sur la place du Barri. L'architecture est remarquable avec un pilier central où s'appuie la charpente et un étage voûté sur les deux tiers de la surface.

Vue de l'intérieur du moulin à huile, avec sa colonne centrale et les trois voûtes qui s'en élancent pour supporter le plancher de l'étage.

La période d'activité couvrait celle du ramassage des olives qu'il était de tradition, en Provence, de traiter le jour même de la récolte. Je tiens de mon grand-oncle, Albin Gal, qui fut longtemps maire de Saint-Julien d'Asse et moulinier, qu'il fallait organiser strictement les tours de passage pour éviter les conflits entre propriétaires récoltants. Cela constituait une période d'intense activité pour le moulinier qui commençait son travail très tôt et le terminait très tard, dans une ambiance, il est vrai, très animée par les incessants va-et-vient des chalands.
Le moulin à huile est divisé en trois zones : la meule pour broyer les olives ; le pressoir pour extraire l'huile ; la zone de chauffage de l'eau utilisée pour la deuxième pression. Malheureusement le moulin du Castellet n'a pas conservé toutes ses installations. La meule en pierre est restée des années devant la porte du moulin pendant dans la première moitié du XXe siècle avant d'être accidentellement cassée. Les mécanismes, eux, ont peu à peu disparu.

La poutre où venait se loger l'axe de rotation. Les organes ont disparu, mais ça ressemblait au moulin d'Albin Gal à Saint-Julien d'Asse, avec une cuve en pierre à ras du sol et le bras d'attelage solidaire de la meule.

 

La meule aujourd'hui disparue est restée de longues années devant la morte du moulin avant d'être renversée et cassée il y a presque cinquante ans.

 

En observant l'installation, on distingue le trou destiné à l'axe vertical de la meule dans une poutre. Un cheval (ou un mulet ) tournait en rond et entraînait la meule en pierre qui écrasait les olives pour en faire une pâte dans une cuve circulaire en pierre elle aussi. Cette pâte était ensuite disposée dans des couffins (escourtins en provençal) en fibres finement tressées. Ces escourtins étaient ensuite empilés les uns sur les autres et amenés au pressoir.

De la chapelle du pressoir il reste aujourd'hui la niche avec sa traverse taraudée solidement ancrée dans la maçonnerie…

… Et, juste au-dessus, la très lourde maçonnerie en pierres pour éviter des fissures dans le bâti lors du pressage.

Le pressoir justement, d'un type courant en Provence, est dit à chapelle par analogie avec sa forme générale. Il s'agit d'une presse à bras encastrée dans l'épaisseur de la maçonnerie et surmontée d'un lourd mur de force en pierres, destiné à exercer une contre-pression. Car la traverse taraudée dans laquelle s'insère la grosse vis de bois était soumise à une pression considérable qui aurait risqué de fendre les murs lorsque le moulinier actionnait cette vis au moyen d'un cabestan afin d'écraser les escourtins emplis de pâte d'olive. Lors du pressage le jus des fruits s'écoule dans des bacs de décantation. Ce jus se compose d'eau et d'huile. Lors de la décantation l'huile, plus légère, surnage et peut ainsi être recueillie : c'est l'huile d'olive vierge de première pression à froid. L'eau restante n'était pas totalement perdue, puisqu'elle comportait encore des résidus revendus généralement aux savonneries. La purée desséchée de pulpe et de noyaux finissait généralement en engrais.

La voûte enfumée et le conduit de cheminée rectangulaire indiquent clairement la zone réservée à la chaufferie du moulin.

Et la pâte encore contenue dans les escourtins était réutilisée : c'est là que la chaufferie entrait en action. Non seulement elle permettait de chauffer l'atelier (l'activité s'étalait grosso modo de début octobre pour la révision des installations jusqu'à fin décembre, début janvier), mais elle servait aussi à faire bouillir de l'eau dont on arrosait les escourtins qui avaient été pressés. La pâte d'olive ainsi réhydratée était de nouveau pressée pour obtenir une huile de deuxième pression à chaud, de qualité bien inférieure.


Ce dessin montre le mécanisme du moulin à sang : un mulet fait tourner la meule qui écrase les olives dans une cuvette en pierre.
Le pressoir, lui, est encastré dans une «chapelle» creusée dans un mur de force (une énorme masse de pierres)
qui évite de faire éclater la maçonnerie lors du pressage.
La vis, actionnée par une longue barre de bois, écrase les escourtins et permet d'extraire le jus des olives. Avec 100 kg d'olives
on pouvait extraire environ 15 litres d'huile par ce système.

signatureCASTELLUM